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Compte rendu de la conférence

Janvier 2006

Avertissement

Il s’agit d’une transcription de notes, donc non exhaustives, prises pendant l’entretien réalisé devant public entre Eric Gay et Jean-Claude Buchalet à l’Institut National Agronomique Paris-Grignon le lundi 30 Mai 2005. Ce compte-rendu a été néanmoins relu et approuvé par les conférenciers. Vous pouvez retrouver l’aventure d’Eric Gay sur son site www.internatura-frcr.com ainsi que dans son livre « Voyager à vitesse humaine - Editions Cléa ».

Eric Gay

Je vais d’abord me présenter pour que vous compreniez mieux mon cheminement. Après une 2nde agricole, j’ai passé un BTS « Productions Forestières » puis suis parti faire mon service militaire dans les chasseurs alpins : c’est à travers la pratique de la haute montagne que j’ai appris à me dépasser physiquement et mentalement . J’ai ensuite été technicien forestier dans le secteur privé pendant 4 ans. Suite à un aléa économique, je devais choisir entre être muté ou être licencié économiquement. Je choisis le licenciement car ainsi la prime put me permettre de constituer un début de budget. D’autant plus que j’ai retrouvé du travail très rapidement dans un coopérative forestière dans laquelle je travaillerai deux ans avant de démissionner pour partir réaliser mon rêve : Faire le tour du Monde à Vélo.

Ceci est très important : je souhaitais partir sans sponsor afin de garder ma liberté durant mon voyage (choix de l’itinéraire et des sites à visiter, durée du voyage,.....). J’ai financé entièrement mon voyage grâce à mes économies (300€/mois pendant 6 ans), ma prime de licenciement, ainsi que la vente de mon patrimoine (voiture, ...) ; soit entre 25 000 et 30 000€.

Bien que je critique vivement les médias, ce sont eux qui m’ont donné envie de réaliser cette aventure en diffusant l’histoire d’un couple qui avait parcouru le monde à vélo durant plus de 14 ans.

A 27 ans, j’ai pris la décision de partir. Je ne souhaitais pas opter pour une année sabbatique car je ne savais pas combien de temps allait durer le voyage. De 3 ans prévus initialement, il a en effet duré plus de 6 ans.

Mes motivations ont été les suivantes : réaliser mon rêve, rechercher ma propre voie du bonheur, me découvrir à travers les autres, voir le monde de mes propres yeux et me forger ma propre opinion, m’enrichir. Même si je ne manquais de rien, je n’étais pas pleinement heureux ni épanoui. Ce voyage fût un chemin initiatique vers une autre forme de bonheur.

Pourquoi avoir choisi le vélo ? C’est un moyen de transport qui permet de voyager à vitesse humaine, d’appréhender les détails et c’est également un fabuleux outil de communication. Je dis souvent que le vélo, c’était comme mon second passeport, cela m’a permis de vivre des moments inoubliables comme : la visite du bureau du président Clinton aux Etats Unis, voyager gratuitement à bord d’un cargo entre Ushuaia et Buenos Aires.

Pourquoi être parti seul ? Il s’agit d’un choix personnel influencé par les cyclovoyageurs rencontrés avant le départ ; mais en réalité on est rarement seul. Le fait de voyager à vélo permet de beaucoup communiquer. Sur les 80 mois de voyage, j’ai été accompagné pendant près de 8 mois. Les préparatifs ont duré 1 an. J’ai préféré ne pas lire trop de livres afin de ne pas avoir d’idées préconçues et être ainsi moins déçu. Les préparatifs ont surtout consisté en la rencontre avec d’autres cyclovoyageurs qui avaient parcouru le monde pour obtenir un maximum de conseils.

Jean-Luc Buchalet

En fait, cette expérience est essentielle pour permettre de prendre du recul par rapport au monde dans lequel on vit, et de mieux connaître les facultés prodigieuses d’adaptation de l’être humain. Elle permet également d’aller au-devant des autres et de mieux comprendre l’Histoire, celle des chutes de civilisations brillantes.

Eric Gay

Les attitudes des populations rencontrées dépendent en effet de l’Histoire (par exemple le contact avec les Africains différait énormément selon la présence ou non de ségrégation dans le passé).

Jean-Luc Buchalet

En ce qui me concerne, mon travail consiste à collecter des données économiques afin de développer des logiciels d’aide à la décision. L’information est disponible gratuitement, mais celle-ci est bien souvent déformée car les gens ne vont pas sur le terrain. Il est affolant de constater la pauvreté des informations diffusées par exemple par la Banque Mondiale ou le FMI, voire même parfois de leurs erreurs stratégiques. Il est important de prélever les informations à la source. Il apparaît partout que le monde est en déclin. Au delà de la fascination ou du sensationnalisme. Par exemple, la marge croissante que prennent les distributeurs entraîne la destruction progressive des producteurs, même dans les pays en voie de développement. En Chine, 80% des richesses appartiennent à 3% de la population ; 90 millions de personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les rapports d’argent y sont difficiles, loin de ce que l’on nous montre à penser.

Il faut regarder avec ses propres yeux et surtout, se différencier !

Un autre exemple : le pétrole. Au delà de la crise annoncée dont les médias se font l’écho, il apparaît qu’un pic de production est attendu pour 2015, suivant la découverte et la faisabilité de l’exploitation de nouvelles réserves. Des chiffres sont en effet planqués pour ne pas affoler l’opinion publique et les marchés.

On reporte nombre de problèmes sur les générations futures. Par exemple, si le déficit public augmente, le taux d’épargne augmente également.

On entend dans les médias que les Français ne sont pas assez réactifs, que les services publics ne sont pas assez compétitifs...

Quelle vision négative ! La société traverse un crise psychologique profonde. Nous sommes concentrés sur les injustices, fruit d’une révolution française inachevée ? Au contraire, dans les pays anglo-saxons, l’ascension sociale existe dans les têtes, et l’on y accepte de ce fait la misère. A la différence de la France où l’on y refuse la paupérisation. Les atouts y sont la flexibilité, qui y entraîne la création de richesses. Mais dans quel but créer des richesses ?

Eric Gay

Oui, cela rejoint une de mes questions principales : Faut-il mieux réussir sa vie, ou réussir dans la vie ? Le bonheur n’est pas, à mon goût, synonyme de consommation. Il faut être bien soi-même, équilibré avant de pouvoir donner aux autres. Surtout, il faut pouvoir se définir un idéal de vie. Les gens se regroupent autour d’idées communes. Ma réponse a été l’épanouissement personnel.

Il existe une domestication de l’être humain, et il me semble qu’on ne se préoccupe pas ni de l’épanouissement ni du bonheur de être humain, on l’inspire sans cesse à désirer plus. Je pense, sincèrement que c’est justement ce désir du "toujours plus" qui va déstabiliser le monde.

Dans certaines tribus d’Amérique, la notion d’entretien des choses n’existe pas car avant, tout était jetable, prélevé dans la nature. Les personnes sont attachées à la Terre et respecte l’Animal, ce que nous avons perdu en partie chez nous.

Jean-Luc Buchalet

Il faut distinguer globalisation, issue de la chute du mur de Berlin, et mondialisation. Le déclin de la civilisation est-elle un contrepoids à l’émergence d’une monoculture ? Les fins de système se terminent dans l’orgie. Mais en période de recul, il est possible de voir émerger de nouvelles tendances...