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  4. Quelle place pour l’agriculture dans les élections ? Le rôle des syndicats agricoles

compte-rendu de la conférence

Mars 2007

Après une présentation introductive au débat, et une présentation de chaque intervenant et de son syndicat, les intervenants ont été interrogés tour à tour.

Question à Régis Hochart (Confédération Paysanne) : Comment la Confédération Paysanne gère t’elle le fait qu’un ancien porte parole du syndicat fasse acte de candidature à la présidentielle ?

Il faut avant tout distinguer le candidat et ses responsabilités. José Bové n’exerce plus de responsabilités dans le syndicat. Il en est encore membre, mais ne se présente pas avec cette étiquette. Il n’a donc pas à choisir entre le mouvement et sa candidature. Il agit en tant que citoyen libre de tout engagement. Par ailleurs, la Confédération paysanne a interpellé chacun des candidats pour évoquer les enjeux du scrutin. Il n’y a donc pas de candidat choisi par la Confédération paysanne et la concurrence est entière.

Question à Christiane Lambert (FNSEA) : La FNSEA entretenant de longue date une proximité avec les gouvernements, est-elle en pouvoir de négocier des accords préalables avec certains candidats ?

La FNSEA a travaillé avec chacun des dirigeants des derniers gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. La FNSEA est invitée à tous les séminaires portant sur l’agriculture, et ce dans tous les partis politiques. Les dirigeants de partis politiques promettent tout, mais dans les faits, la réalité est différente. Les dernières élections en Chambres d’agriculture ont confirmé le poids majoritaire de la FNSEA. Il faut faire en sorte que cela soit un facteur de progrès.

Question à Gaël Grosmaire (Jeunes Agriculteur) : La proximité entre les JA et la FNSEA fait-elle que les élections présidentielles au niveau syndical se font conjointement ?

Effectivement, les JA et la FNSEA sont deux mouvements proches. Chaque adhérent aux JA est également adhérent à la FNSEA. Seul le critère d’âge permet d’être adhérent des JA. Cependant, les JA tiennent à apporter quelque chose de plus. La défense des conditions d’installation des jeunes est un point capital de l’action des JA. Les problèmes liés à la transmission et au renouvellement des actifs agricoles sont cruciaux, quand on sait que la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite dans les 10 prochaines années. De ce coté là, les JA sont plus « piquants » que la FNSEA. Par contre, il n’est pas encore question de négocier des accords préalables lors de la campagne présidentielle.

Question à François Lucas (Coordination Rurale) : La presse présente souvent la coordination rurale comme un syndicat proche de l’extrême droite. Que pouvez vous répondre à cela ?

Il est inadmissible que des journalistes « étiquettent » un syndicat politiquement. Un syndicat défend une profession, il est donc apolitique. Ces accusations sont d’autant plus graves qu’elles ont été prononcées également par le ministre de l’agriculture. « Quand on veut abattre son chien, on dit qu’il a la rage », ces accusations n’ont donc d’autre but que d’écarter le syndicat du débat. Ce ne sont pas des méthodes approuvables. Par ailleurs, ces accusations sont complètement infondées. Elles ne sont apparues à la suite de la publication des communiqués de la Coordination sur le site de Philippe de Villiers, à sa seule initiative. Tantôt on soupçonne le syndicat d’être antilibéral, tantôt l’inverse.

Quels sont les enjeux agricoles dans les élections présidentielles ?

Régis Hochart :

L’agriculture doit se positionner pour atteindre un certain nombre d’objectifs. Une politique cohérente doit être mise en place pour défendre ces enjeux.
-  Nourrir la planète, dont le nombre d’habitant augmente sans cesse
-  Utiliser les terres disponibles sans empiéter sur les zones vierges nécessaire à l’équilibre biologique et climatique de la planète
-  Produire avec une ressource en énergie limitante
-  Tenir compte de l’environnement et de l’impact de l’agriculture sur celui-ci, notamment en terme de changement climatique

En France et en Europe, ces objectifs doivent être atteints sans empêcher l’agriculture des pays du Sud de se développer. Par ailleurs, le contexte énergétique va modifier notre manière de produire. Dans le cas plausible d’une augmentation du prix du pétrole à 150€/baril, la production d’engrais azotés de synthèse ne sera plus envisageable. Or les rendements en Europe sont largement dépendants de ces engrais. Il faut donc encourager la recherche sur des systèmes de culture plus économes. Le rôle des rotations, la fertilisation organique, etc, sont des pistes à explorer. Il ne faut surtout pas oublier qu’à l’échelle mondiale, le rôle de l’agriculture est de nourrir les hommes. Or actuellement, cela n’est pas le cas. L’enjeu alimentaire ne doit pas être occulté par les autres rôles que l’on souhaite faire endosser à l’agriculture.

Gaël Grosmaire :

Il convient de faire légèrement évoluer les mentalités et les termes employés. On parle ici beaucoup d’agriculture, alors que la discussion porte essentiellement sur la ruralité. Avec l’agriculture se jouent beaucoup des enjeux concernant les campagnes dans leur ensemble. L’agriculture est largement régie par les règles du commerce mondial au sein de l’OMC. Il faut donc être vigilant, car les prochaines réformes de la PAC vont sans doute remettre beaucoup de choses en cause. Normalement, la prochaine réforme devrait intervenir en 2013, cependant le « bilan de santé » annoncé pour 2008 laisse présager une « pré-réforme ». Comme on ne sait plus comment réformer la politique agricole, on crée des occasions pour le faire sans en donner le nom. L’enjeu de la sécurité alimentaire et sanitaire est crucial. De ce côté-là, les JA sont en accord avec la Confédération Paysanne. Il faut aussi continuer à défendre le métier d’agriculteur.

François Lucas :

Les enjeux vont beaucoup plus loin que ce que les autres intervenants ont dit. Il ne faut pas rester dans des lieux communs. 2013 c’est presque aujourd’hui. Il faut réfléchir à ce que sera l’agriculture en 2040. Quelle est l’agriculture que l’on souhaite garder dans notre pays ? On a l’impression que les responsables politiques et syndicaux ne se sont pas rendus compte que le XXème siècle était terminé. Un grand nombre de défis nous attendent. Le problème alimentaire va s’accroître ainsi que la question de l’équilibre des productions. Enfin, la crise énergétique va nous contraindre à produire sans pétrole.

Christiane Lambert :

Pour répondre à François Lucas, il n’est pas si simple de se projeter en 2040 et d’oublier ce qu’il va se passer en 2008. En effet, la politique agricole future va être conditionnée par les avancées qui pourront être acquises au cours de prochaines négociations. Les enjeux alimentaires sont bien évidents cruciaux. Mais il faut aussi regarder ce qui change progressivement. On exporte de moins en moins avec des aides. Actuellement beaucoup de notre blé est exporté sous forme de produits transformés, qui ne bénéficient pas des subventions à l’exportation de la PAC. Il y a de moins en moins de blé brut à l’exportation. Une période de transition pour toute réforme est nécessaire. En effet, en moyenne 72% du revenu agricole est issus des subventions. Les enjeux de l’agriculture et de la ruralité sont cruciaux. Le problème de l’emploi doit aussi être évoqué. En effet, il y a 14% des emplois en France qui dépendent de l’activité agricole. Dans certaines régions, comme en Bretagne, ce taux atteint 50%. Enfin, sur les questions environnementales, il ne faut pas regarder systématiquement l’agriculture comme la fautive. On voit actuellement que l’agriculture peut également proposer des solutions à ces problèmes.

Quelles sont les positions défendues par les différents syndicats agricoles sur les questions environnementales ?

Régis Hochart :

Il ne faut pas se voiler la face avec certains chiffres. N’oublions pas que certaines situations, mal gérées par la FNSEA en région conduisent à des catastrophes écologiques. La France a été condamnée en 2001 pour pollution massive des eaux en Bretagne. Pourtant la FNSEA est de longue date dans les organisations régionales. Il n’y a pas de gestion à long terme des problèmes environnementaux, et finalement, ce sont les agriculteurs les perdants

Christiane Lambert :

Il n’y a que 9 bassins versants concernés par ce que Régis Hochart évoque. Ce n’est donc pas représentatif de la France dans son ensemble. Il existe des preuves de la diminution des nitrates dans les eaux en Bretagne.

François Lucas :

On voit très clairement dans ce débat la situation aberrante de l’agriculture française qui a regroupé la grande partie de son activité d’élevage dans l’ouest. Cela montre la mauvaise politique agricole qui a été incapable de tracer une stratégie d’ensemble pour le pays.

Gaël Grosmaire :

Comme dans tout le reste du débat, il faut maintenant parler d’avenir. Il est vrai que les agriculteurs ont fait des erreurs, et que l’impact environnemental de l’agriculture a été sous-estimé. Il reste encore des agriculteurs qui ne mettent pas en place de bonnes pratiques. Cependant, il sont maintenant minoritaires. A l’échelle mondiale, le constat est autre. Nos habitudes de consommation entraînent des dégâts, notamment sur la forêt amazonienne.

Enfin, lors du débat avec la salle, plusieurs questions ont été abordées :
-  le droit à paiement unique et les problèmes liés au découplage des aides
-  la perception du pacte écologique de Nicolas Hulot, en particulier sur l’attribution de subventions pour approvisionner les cantines scolaires en produits biologiques

Compte-rendu rédigé par Lorraine Soulié. L’exactitude de la transposition du discours des intervenants n’est pas garantie.